La liste Enduro

 
Récit :

Fin d'été

Je suis rentré du boulot vers dix-huit heures, c'était aujourd'hui ma
reprise » et j'avais la tête pleine de tout ce que mes congés m'avaient
permis d'oublier un peu.

J'ai pris le premier casque venu sur l'étagère (un intégral !), un vieux
pantalon et des chaussures montantes, un vieux sac à dos, un opinel, mon
portable.

En vérité, une fois dans le garage j'ai hésité entre la XR et la TY. C'est
vrai qu'en ce moment la vieille Yam a son gros succès, on la sort au moindre
apéro avec les potes pour faire des zig-zag dans le parc, même ces dames y
vont de leur petit trial après un (ou deux) vin cuit .
Elle tire tellement court (c'te TY) que l'autre jour je l'ai béquillée
moteur tournant, croyant qu'elle était au point mort alors qu'elle était en
première trois secondes après, frouf ! elle terminait mollement sa course
couchée sur l'herbe grasse, toujours dans un petit teuf-teuf de ralenti
incalable.
(ça m'a rappelé d'ailleurs les efforts de certains listars pour
tirer/pousser le DRZ de Jojo dans une grimpette vers le bois de Crozat,
pendant que ce même Jojo accélérait de bon coup au point mort !.un des
meilleurs gags de cette année 2004.)

Finalement j'ai choisi la XR, plus haute, mieux adaptée à la situation.
Elle a démarré, allez, pas au premier mais au second coup de kick, et me
voilà sur le chemin qui part dans la forêt Barade (celle de « Jacou le
croquant »), trois cent mètres après mon humble demeure.

Oui, des fois je fais un peu de hors-piste-hors-la-loi, désolé Steiner si tu
me lis, je te payerai un apéro chez Boubou comme l'autre jour à Périgueux
pour me faire pardonner, et tu me diras si c'est plus grave que de rouler en
ville avec quelques bibines dans le cornet sur un litre de cylindrée !

Du bout du pouce et de l'index, je tourne un chouïa la vis de ralenti,
histoire que la moto avance toute seule.
Quelques minutes plus tard, j'arrive à la « cabane des chasseurs » : un
auvent en planches brutes rempli de tables et de bancs du même métal, décoré
de grands posters pornos, et nanti d'un petit bar toujours bien achalandé en
boissons anisées. tout ça en pleine forêt, et ouvert aux quatre vents.
Allez, je n'ai pas dépassé deux mille tours minutes, et encore, c'était pour
prendre un poil d'élan avant une flaque.

L'autre jour, dans ce petit coin de paradis perdu (quand la chasse est
fermée), j'en ai trouvé trois.
Alors j'ai béquillé, ôté le casque. ça sentait la terre encore mouillée, faut
dire qu'on a eu des grêlons dilatés à cinq, ces jours-ci.
J'ai fouetté les fougères sur une centaine de mètres, rien, idem de l'autre côté, toujours rien.
Tant pis, j'aurais au moins fait un tour de moto.

Je suis alors reparti vers la maison, la XR en troisième, sur le ralenti
accéléré, j'avais l'impression d'être sur un bateau de pêche qui rentre au
port.

Je suis passé doucement le long de chez mon voisin, celui dont la grande
fille ressemble à Michelle Pfeiffer, mais mieux et plus jeune.
Et là, qu'est-ce que je vois, l'air de m'attendre dans un fossé bien
moquetté d'herbes hautes ?
.Il y en avait six !
Pas six Pfeiffer, mais six gros cèpes à tête noire !
La béquille, vite !
Coup de bol, on a des oeufs, on va pouvoir faire une omelette.
(parce que depuis plusieurs jours, on les mange avec des patates, y'en a un
peu marre ;-)

Voilà, c'est pas de l'enduro, ni même de la rando, ça m'a pris une heure à
peine, et me voici consolé d'avoir repris le chemin des écoliers.
La moto verte, pour moi, c'est aussi ces petits moments de bonheur au
ralenti accéléré.
Pas vous ?

cordialement
JF K...

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